Avec l’équipe de natation UNSS du collège Schongauer d’Ostwald, vice championne d’académie

En cette période bousculée, où les repères sont modifiés et certaines activités entravées, l’exercice physique et sportif demeure plus que jamais essentiel, notamment pour la construction des futurs adultes et de leur capital santé. Dominique Genatio, enseignant d’EPS en Alsace, apporte son éclairage sur l’évolution de la pratique physique chez les jeunes et l’influence de la crise sanitaire actuelle.

 

 
Le-Sportif.com : C’est quoi être prof d’EPS aujourd’hui ?

Dominique Genatio : Depuis plus de 10 ans, je constate que la sédentarité s’installe : de plus en plus d’enfants connaissent un rapport difficile à l’effort, à la marche. D’année en année, les capacités baissent, tout comme le désir de bouger. Alors que la pratique physique est essentielle et que l’école demeure le seul endroit où certains peuvent faire de l’exercice. Aujourd’hui, formés à la psychologie de l’enfant, les profs d’EPS touchent à l’esprit en plus du corps, et donnent une vision plus globale d’un élève, en complément de celle des enseignants d’autres matières.

En plus, une bonne part de mon activité est consacrée à l’UNSS, une option de pratique sportive proposée à l’école. C’est un vrai laboratoire qui permet aux élèves d’exprimer leur potentiel sportif, de s’engager comme jeune arbitre ou jeune reporter. Cela leur donne l’occasion de vivre des choses autrement que dans le cadre de la scolarité pure.

 

Dominique avec sa sélection volley-ball (moins de 15 ans) du Bas-Rhin

 

L’avantage de ma double casquette de prof et d’entraîneur, c’est que je perçois la différence entre un sportif de haut niveau et un élève. C’est comme une marque de fabrique qui me permet de parler à tous les enfants. Car on peut très bien ne pas aimer le sport et être performant en EPS. Ce travail me rend très heureux même s’il requiert toujours plus d’énergie pour qu’ils poursuivent une pratique physique, alors que le temps passé devant les écrans occupe une place toujours plus importante.

LS : Entre l’élève d’hier et le prof d’aujourd’hui, quelles différences ? Quels sont les outils pédagogiques actuels ? Comment ont-ils évolué ?

D.G : Justement, la principale différence, c’est le rapport au numérique. Le virtuel est un « espace » supplémentaire qui s’est ajouté aux environnements scolaire et familial. D’où notre rôle renforcé de repère en tant qu’adultes. En recherche d’une attention particulière, d’un feed-back perpétuel, les enfants ont la volonté de bien faire mais sans toujours avoir les clés pour y parvenir.

« La lycéenne UNSS » en mars 2019 avec les filles volontaires

 

Il faut aussi être un peu chef d’orchestre pour faire « prendre la mayonnaise ». Les élèves regorgent d’idées ; à nous de leur donner les moyens d’exprimer leur potentiel, trouver les biais motivationnels pour se dépasser, permettre l’éveil de la prise de responsabilité, de citoyenneté… Heureusement, l’école reste un passage obligé qui nous offre l’opportunité de transmettre un bon capital santé aux adultes de demain. Le numérique a aussi fait évoluer les pratiques et nous amène à tester des nouveautés, même si nous essayons de favoriser le « vrai matériel ». Car, dans ma pratique sportive au collège, j’intègre aujourd’hui un panel élargi d’activités comparé au temps où j’étais moi-même élève : Athlétisme, Badminton, Tennis de Table, Tennis, Natation, Boxe Française, Hip-Hop, Acrosport, Ultimate, Course d’orientation, Futsal, Basket-Ball, Hand-ball, Volley-Ball.

L.S : Quel est l’impact de la crise sanitaire actuelle sur la pratique du sport, scolaire d’abord, mais en général, ensuite (compte tenu de vos différents engagements en faveur de la pratique sportive) ?

D.G : Cette crise a provoqué une vraie coupure, très difficile à vivre pour les sportifs. Notre saison de volley-ball a pris fin brutalement le 8 mars, nous faisant passer de perspectives de tournois à aucune activité. La notion de dépense physique étant absente du collège, il a fallu faire preuve d’ingéniosité pour inventer de nouvelles formes de pratique (fitness, yoga…) et garder le lien avec les élèves. Cependant, le virtuel ne remplacera jamais le présentiel, essentiel et qui justifie notre métier. Cette crise a aussi mis en lumière plusieurs facteurs de risque, comme la prise de poids, par exemple.

 

Remise des prix du challenge de l’heure solidaire à Ostwald en 2019

 

 

J’étais très étonné d’avoir 80% de l’effectif des élèves de retour le 22 juin, preuve qu’ils ont ressenti un isolement individuel. La plus grosse difficulté est de réapprendre à fonctionner ensemble après avoir été séparés dans des conditions familiales très différentes. Les contraintes sanitaires (masques, gestes barrières…) compliquent les rapports humains ; faire sortir les enfants pour une activité est donc primordial pour conserver ces opportunités d’échanges en direct. Et le travail est loin d’être terminé : un travail de fond s’imposera nécessairement à la rentrée de septembre, après la coupure estivale.

L.S : Pour finir, quel est le rôle du sport à l’école ? En quoi l’activité structure les adultes de demain, via les valeurs qu’elle transmet ?

D.G : Il faut leur enseigner le respect des différences, notamment celle, très visible dans notre métier, qui existe entre les enfants qui font du sport et ceux pour lesquels la pratique physique est absente de la culture. Mon métier est de proposer de l’éducation physique et non du sport, l’objectif est donc davantage l’apprentissage de l’apport mutuel, la prise en compte des différences de chacun et la notion de respect. Et de permettre aux élèves de se créer un parcours de vie positif.

 

À propos de Dominique Genatio

 

Cela fait 26 ans que Dominique Genatio enseigne l’EPS (Education Physique et Sportive). Après la Seine St Denis, le centre Alsace et Strasbourg Koenigshoffen, il a rejoint le collège Martin Schongauer à Ostwald en 2015. Il est aussi entraîneur de volley-ball, intervenant pour l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire), membre du comité Ethique et Sport, et bénévole auprès de plusieurs associations sportives, clubs… De sa scolarité en sport études à ses activités actuelles, en passant par la pratique du ski de fond à haut niveau à Gérardmer, la bienveillance et l’importance de la personne au-delà du sport l’ont toujours guidé dans la pratique de son métier d’enseignant, comme celle de son activité d’entraîneur.

En plus du haut-niveau et l’animation sportive dans le monde fédéral et pour l’UNSS, Dominique est particulièrement engagé autour du handicap et la notion de « sport partagé ». Cette implication se retrouve dans l’organisation du « Challenge de l’heure solidaire » à Ostwald dans le cadre des semaines de sensibilisation aux handicaps, des interventions d’associations et d’athlètes, tels Clément Gass, mal-voyant et pratiquant de course à pied en autonomie.

 

Lors d’une journée sport partagé à Lingolsheim : les élèves de Dominique étaient jeunes officiels des ateliers, et ont ensuite représenté l’Alsace au challenge national des jeunes officiels à Troyes.

 

Crédit Photos : Dominique Genatio

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